samedi 24 août 2013

3 ans ::: 3 years


Si j'ai bien géré mes affaires, vous lirez ceci le jour de mon troisième anniversaire en terre britannique (je serai quelque part au fin fond de ladite terre, avec ou sans connexion internet). Ça paraît si long, et si court à la fois... Il y a encore des moments où je ne réalise pas que je suis vraiment ici: je prends un raccourci parce que je suis en retard (encore), et je me rappelle à quel point j'étais confuse dans mes premières semaines à arpenter la ville; je blague avec mes collègues en cuisinant notre lunch commun et je prends conscience de la chance que j'ai qu'on se soit trouvés; je bois une pinte au pub avec un groupe de gens que j'adore mais que je n'aurais jamais rencontrés dans ma vie québécoise; je traverse un pont à la tombée du jour et la vue sur Londres éclairée m'émerveille comme aux premiers jours... La plupart du temps, je suis une bonne londonienne pressée qui marche vite et travaille trop, mais de temps en temps, sans les voir venir, j'ai encore de ces «moments».


C'est une drôle de vie que celle d'expatrié; on choisit délibérément de se mettre dans une position impossible, à devoir maintenir deux vies parallèles, deux identités. Je n'aurais jamais pensé être encore ici en ce moment, mais ma terre d'accueil a su se montrer plus que convaincante. Et même si mes racines resteront toujours fermement plantées au Québec, il s'est fait une sorte d'élagage depuis mon départ, si bien que ce n'est plus que l'essentiel qui me lie à la maison. De l'extérieur, j'ai un point de vue différent sur le Québec, et je peux me permettre de n'en garder que le meilleur: ma famille, évidemment, et mes meilleurs amis (merci d'être encore là!); mais aussi ma nourriture préférée, les mots et tournures de phrases qui me font sourire, les noms d'endroits qui me sont si familiers, les saisons... Et je me demande si, quand je quitterai Londres, j'aurai aussi ce pincement au coeur en pensant à ce qui me manquera d'ici. Ici c'est un nouveau chez-moi que j'ai choisi, et que j'aime pour des raisons toutes différentes; Londres est dans mon coeur mais le Québec est dans mon âme (ooouh). Et même si j'accepte, et chéris, le fait que je ne perdrai jamais complètement mon accent quand je parle anglais, plus le temps passe et plus je deviens anglaise! Je perds mon français et je ne sais plus trop où j'en suis entre mes deux identités, alors j'ai pensé... faire une liste, bien sûr! Juste pour voir à quel point j'ai fusionné, ou préservé, mes deux cultures.


  • J'ai totalement assimilé certains mots et expressions typiquement anglais, comme mobile (cell phone/téléphone cellulaire), flat (apartment/appartement), loo (bathroom/toilette), tube (subway/métro), rubbish (trash/déchets), trousers (pants/pantalons), pants (panties/petites culottes), jumper (sweater/chandail), bum (butt/derrière), football (soccer), telly (TV/télé), trainers (sneakers/souliers de course)...
  • Il y en a d'autres qui ne me rentrent pas dans la tête, je suis incapable de dire pavement plutôt que sidewalk ou autumn plutôt que fallcheers ne me vient jamais naturellement, et je ne sacre pas plus en anglais qu'en français, à fortiori depuis que je sais ce que les jurons British veulent dire!

  • Plus récemment, j'ai dû acquérir le vocabulaire enfantin en anglais: moo-cow (vache), doggy (chien), kitty (chat), wee-wee (pipi), nappy (couche), dummy (suce)...
  • Malgré cela je ne comprends à peu près rien quand les enfants me parlent; ceci dit les enfants ne se formalisent pas trop d'un dialogue décousu, alors on s'entend plutôt bien!


  • Je réussis à déceler un accent régional en anglais.
  • La plupart du temps, je me trompe quand j'essaie d'en deviner la provenance exacte.

  • Je suis passée pour une Anglaise et/ou une Écossaise à quelques reprises.
  • Plus souvent qu'autrement, les gens croient que je suis Scandinave, Allemande ou Polonaise, voire Sud-Africaine ou Grecque, mais jamais personne n'a réussi à deviner que j'étais Québécoise, ni même Canadienne; au moins, ils ne pensent pas que je suis Française!

  • J'ai amélioré ma résistance à l'alcool de façon exponentielle (ce n'était pas très difficile, vous me direz) et ma connaissance en matière de whisky, mais ça c'est une autre histoire.
  • Je ne bois toujours pas de bière et même si j'adore le concept du pub, j'ai beaucoup de mal à gérer la politique des rounds (où chacun paie à boire à tout le groupe à tour de rôle plutôt que d'aller individuellement au bar; je manque toujours mon tour!)


  • Je sais ce qui arrivera dans mon assiette quand je commande un toad in the hole, des bangers & mash, un Scotch egg, un Welsh rarebit, un gooseberry fool ou un Eton mess; j'adore les bacon rolls (dont je fais l'apologie ici), les fish finger sandwiches et les scones; je bois du thé tous les jours au travail (un ou deux en été, des dizaines en hiver), du cidre, du gin ou du whisky quand je sors, et bien sûr autant de Pimm's que possible quand la température s'y prête.
  • Je n'ai pas du tout envie d'essayer la pickled tongue et encore moins les jellied eels, et j'ai régulièrement des rages de poulet St-Hubert, de bagels St-Viateur et de poutine bien sûr. J'ai aussi une envie folle d'aller à l'auto-cueillette de fraises et de pommes...



  • Je ne réussis plus à suivre la politique québécoise. C'est qui, le maire de Montréal, déjà?
  • Je ne sais pas plus ce qui se passe au parlement britannique. Mais qui pourrait ignorer Boris?!

  • Je préfère définitivement le football au hockey.
  • L'obsession masculine pour tout sport télévisé traverse les frontières et me stupéfie autant, peu importe le continent.

  • Au Québec, je porte du 10.5 aux pieds et du 10 à la taille.
  • En Angleterre, je porte du 8 aux pieds et du 14 pour le reste. Pas tellement plus facile de se chausser, et dur pour le moral!

  • J'ai visité une plus grande partie du Royaume-Uni que la plupart des Londoniens, mais il y a encore tellement d'endroits que j'aimerais voir...
  • Je ne suis jamais allée plus loin au Canada que Toronto, mais je garde ça pour mon retour.


Alors, vous en pensez quoi? Suis-je destinée à être trop anglaise pour le Québec, mais trop québécoise pour l'Angleterre?

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If I've planned things right, you will be reading this on the day of my third anniversary on British land (I will be somewhere far away on said land, with or without an internet connection). It seems so long, and so short at the same time... There are still times when I don't fully realise I really am here: when I'm taking a shortcut because I'm late (again), and remember how confusing the streets were when I first arrived; when I'm helping with our communal lunch and joking with my colleagues, and suddenly realise how lucky I am to have found them; when I'm drinking a pint at the pub with a group of people I love and never in a million years would have met in Quebec; when I'm crossing a bridge at night and the view of London all lit up fills me with wonder just like the first day... Most of the time I'm a typical Londoner who walks too fast and works too hard, but every once in a while, without any obvious reasons, I still have some of those "moments".


Choosing to be an expat is choosing a funny life; you're deliberately putting yourself in the impossible position of having to maintain two parallel lives, two identities. I never thought I'd still be here three years on, but my adopted homeland has been more than welcoming. And even though my roots will forever remain firmly planted in Quebec, a sort of pruning process has been taking place since I left, so that only the bare essentials still keep me tied to my home. As an outsider I get to have a more detached point of view, and I can afford to keep only the best of Quebec: my family, obviously, and my best friends; but also my favourite foods, the words and phrases that make me smile, the familiar names of places, the seasons... And I wonder if, when I finally leave London, I'll feel that same pinch when I think about all I will miss from here. Here is a new home I chose for myself, and I love it for completely different reasons; London is in my heart but Quebec is in my soul (oooh). And although I accept – and cherish – the fact that I will never completely get rid of my accent when I speak English, the more I stay here, the more English I become! I'm forgetting how to speak French and I'm never really sure where I fit in between the two cultures, so I thought... I'll make a list, of course! Just to see how much my identities have merged, or remained intact.


  • I have completely assimilated some typically English words and phrases, such as mobile (cell phone), flat (apartment), loo (bathroom), tube (subway), rubbish (trash), trousers (pants), pants (panties), jumper (sweater), bum (butt), football (soccer), telly (TV), trainers (sneakers)...
  • Some other words I just can't get to stick: I never remember to say pavement rather than sidewalk or autumn rather than fall, cheers won't come out naturally, and I don't swear in English any more than I do in French, especially since I've learned what some of the most popular British swear words mean!

  • Recently I've also had a crash course in kiddy talk: moo-cow, doggy, kitty, wee-wee, nappy, dummy...
  • Nevertheless I understand next to nothing when kids talk to me; that being said, children aren't adverse to a slightly disjointed conversation, so we get on quite well!


  • I can detect a regional accent in English.
  • Most of the time I get it wrong when I try to guess its exact origin.

  • I have been mistaken for English and/or Scottish on a few occasions.
  • More often than not, people think I'm Scandinavian, German or Polish, even South African or Greek, but no one has ever guessed Québécoise, or even Canadian; at least they don't think I'm French either!

  • My tolerance to alcohol has increased exponentially (it couldn't have gotten worse, you'll say), and so has my knowledge of whisky, but that's another story.
  • I still can't drink beer and even though I love the concept of pubs, I really struggle with rounds politics (where people take it in turns to get drinks for the whole group rather than go up to the bar individually; my timing is the worst and I always miss my turn!)


  • I know what I will be served when I order a toad in the hole, bangers & mash, a Scotch egg, a Welsh rarebit, a gooseberry fool or an Eton mess; I love bacon rolls (you may remember my love letter here), fish finger sandwiches and scones; I drink tea every day when I'm at work (one or two in the summer, dozens in the winter), and cider, gin or whisky when I go out, as well as Pimm's, of course, weather permits.
  • I have no intention of ever trying pickled tongue, jellied eels even less; on the other hand I frequently crave St-Hubert chicken, St-Viateur bagels, and poutine of course. I also have a burning desire to go strawberry- or apple-picking...



    • I can't keep up with Quebec politics. Who's the mayor of Montreal again?
    • I haven't got a clue what's going on in the British parliament either. But who could possibly ignore Boris?!

    • I definitely prefer football to hockey.
    • Male obsession for any televised sports seems to transcend cultures and borders and puzzles me just as much no matter the continent.

    • In Quebec my feet are a size 10.5 and my waist is a size 10.
    • In England my feet are an 8 and the rest is a 14. It doesn't make it much easier to find shoes and it's pretty depressing!

    • I've seen more of the UK than a lot of Londoners, but there are still so many places I'd like to visit...
    • In Canada I've never been further west than Toronto, but I'm saving it for when I'm back.



    So what do you think? Am I destined to always remain too English for Quebec, but too Québécoise for England?

    1 commentaire:

    1. Je pense que tu deviens une bonne Anglaise pour l'Angleterre, et c'est tant mieux, car ce n'est que du plaisir. Quand tu reviendras au Québec, si tu es comme moi qui n'ai pourtant vécu que 16 mois à Londres, parfois, tu t'ennuieras de l'Angleterre à en pleurer... Alors profite, profite, le Québec saura t'attendre.

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