jeudi 6 septembre 2012

L'arroseur arrosé ::: A taste of our own medicine

Je m'en allais toute guillerette vous préparer un intermède sportif à propos de ma visite aux Paralympiques. Par la force des choses, c'est plutôt de politique que j'ai envie de parler.

Chez nous, on ne parle pas de politique. Je suis sûre que ma famille n'est pas la seule; Dieu sait que nous les Québécois, on n'aime pas ça la chicane! Et on voit bien, depuis les derniers mois et surtout les dernier jours, ce qui arrive quand trop de monde s'intéresse à la politique et développe des opinions: ça fait de la grosse chicane. Ça fait un drôle d'effet de voir tout ça arriver à distance; je me sens à la fois intimement touchée, et bizarrement détachée. Je ne prétendrai certainement pas connaître toutes les subtilités du problème actuel puisque j'ai du mal à le suivre en temps réel, et que mon opinion est biaisée de toute façon par mon fil Facebook (étrange mélange de Québécois francophones politisés, de Canadiens anglophones silencieux, et d'Européens complètement à côté de la plaque parce que pas du tout au courant), et les quelques journaux (québécois et britanniques) que je choisis de lire.

Je suis franco-québécoise de souche, britannique d'adoption, et française-de-France sur papier. Je ne suis pas née à Montréal mais j'y ai vécu et étudié. J'adore le français, c'est une langue magnifique et complexe que j'ai toujours ardemment défendue, et respectée; mais ces jours-ci je vis et travaille exclusivement en anglais. J'ai grandi dans une famille francophone, évolué dans des écoles francophones, et même si Sherbrooke, d'où je viens, se trouve au coeur des Cantons-de-l'Est, dernier fief des anglophones du Québec, je n'avais jamais eu d'amis anglophones avant de déménager à Londres. Et je ne parle pas seulement des Anglais; je parle de tous les Canadiens rencontrés ici, des Ontariens, des Albertains, des Britanno-Colombiens... et des Québécois.

Ils existent vraiment, les Anglo-Québécois, parmi nous, et nous sommes tellement occupés à surveiller notre nombril francophone-indépendantiste que nous leur marchons dessus sans les voir. Ils font leurs affaires, nous faisons les nôtres, ça irrite un peu par endroits mais si on se bouche les oreilles, et qu'on crie assez fort au nom de notre culture unique, on peut oublier qu'ils sont là. Et, avouons-le, on aime bien à l'occasion se moquer d'eux aussi, faire les fanfarons et leur dire de retourner chez eux s'ils ne sont pas contents... Après tout, historiquement, ce sont eux les riches, les dominants, les maîtres, et ça fait du bien de pouvoir leur rendre un peu la monnaie de leur pièce, de taper du pied et de dire "ici, c'est chez nous", n'est-ce pas?

Est-ce que ça commence à vous rappeler quelque chose? Est-ce que vous réalisez que les Québécois anglophones se sentent, au Québec, exactement comme les Québécois francophones se sentent au Canada?

Qu'on le veuille ou non, le Canada est un pays bilingue, et plus mélangé qu'on le pense. Il y a des anglophones au Québec, et des francophones ailleurs au Canada. Il n'y a pas de ligne nette, pas de frontière, pas de séparation. Mais tellement de différences... J'ai été estomaquée de constater que même si nous avons tous l'étiquette de "Canadiens", mes amis anglophones et moi avons une culture totalement différente. Leurs souvenirs d'enfance, leurs émissions de télé et films préférés, ne me disent absolument rien. La musique qu'ils connaissent par coeur? Jamais entendue. Leur idoles, leurs athlètes, leurs acteurs? Connais pas (sauf ceux que je croyais américains). Même les comptines qu'ils apprennent dans les cours de français (hein, ils apprennent le français à l'école?) ne sont pas celles qui ont peuplé mon enfance francophone. Et vice-versa, bien sûr.

C'est pratique d'être canadien quand on voyage, les Américains qui ont visité l'Europe vous le confirmeront, mais québécois? Moi qui m'étais toujours considérée québécoise avant tout, j'ai dû changer de registre ici. Quand je dis que je suis canadienne, au moins ça situe les gens géographiquement; mais ensuite je dois expliquer mon accent. "French-Canadian? Ta mère est française et ton père est canadien, donc?" "Ah, mais je croyais que tout le monde parlait anglais au Canada. Et que tout le monde parlait français aussi; c'est un pays bilingue, non?"

Oui. Mais non. Nous on parle français, eux ils parlent anglais. Deux langues, mais séparées. Et on n'avance à rien. Si on essayait le bilinguisme, le vrai, pour voir? Si on arrêtait de se sentir menacés, agressés, à chaque fois que quelqu'un nous aborde en anglais dans une boutique sur Ste-Catherine à l'ouest de Peel? Si on leur répondait "hello", et qu'ils nous disaient "bonjour", en souriant? Si on se donnait les outils nécessaires à une vraie communication, si on essayait de voir les ressemblances plutôt que les différences?

N'en déplaise à la génération de mes parents qui s'est battue pour le Québec des années 60-70, notre belle et précieuse langue est forte, unique, et n'a plus besoin d'être protégée. Maintenant il faut la partager, et le partage, ça marche dans les deux sens...

Dans un autre ordre d'idées, voici la preuve qu'un conflit peut créer de belles choses...
On a different note, here's proof that conflict can lead to beautiful things...

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I was going to offer you a break from Sweden and talk about my visit to the Paralympics, but as things stand now I feel like I need to talk about politics instead.

We don't talk about politics at home. I'm sure my family isn't the only one: God knows us Québécois (excuse my French, but I can't stand "Quebecker") hate conflicts! And it's been obvious, in the past few months and even more so in the past few days, what happens when politics become mainstream and people actually develop an opinion: massive quibble. It's been weird for me to watch it all unfold from a distance: I feel deeply affected, and strangely detached at the same time. I won't even begin to pretend I know the ins and outs of the issue, as it's been difficult for me to keep up, and my opinion is inevitably biased by my Facebook feed (a strange blend of highly political French-speaking Québécois, eerily quiet English-speaking Canadians, and clueless Europeans who don't even know about any of it), and the newspapers (French-Canadian as well as British) I choose to read.

I am originally a French-speaking Canadian, British by choice, and French-from-France on paper. I wasn't born in Montreal but I have lived and studied there. I love French, it's a magnificently complex language that I've always adamantly defended, and been deeply respectful of; but these days I live and work exclusively in English. I grew up in a French-speaking family, went to French-speaking schools, and even though Sherbrooke, where I'm from, is at the heart of the Eastern Townships and their high concentration of English speakers, I'd never had any English friends at all before moving to London. And I'm not just talking about the British; I'm talking about all the Canadians I've met here, whether from Ontario, Alberta, British Columbia... or Quebec.

They really do exist you know, the English-speaking Québécois, they are among us, but we're so busy keeping both eyes on our own French-separatist goals that we're trampling all over them and we don't even notice. They're doing their thing, we're doing our own, sometimes it chafes a bit but if we cover our ears, and scream our own cultural identity loud enough, we're able to forget they're even there. And, let's be honest, they are historically the rich, the domineering, the masters; it does feel good to be able to pay them back, to stomp our feet and say "this, here, is ours", doesn't it?

Does any of this sound familiar? Do you realise that the English-speaking Québécois feel exactly the same way, in Quebec, as the French-speaking Québécois do in Canada?

Whether you like or not, Canada is a bilingual country, and it's more mixed up than you might think. There are English speakers in Quebec, and French speakers elsewhere in Canada. There is no line, no border, no separation. But so many differences... I was flabbergasted when I realised that, even though my English-speaking friends and I are all labelled "Canadians", our cultures are miles away. Their childhood memories, their favourite TV shows and movies, I've never even seen. The music they know by heart? Never heard it. Their heroes, their athletes, their actors? No idea (except for the ones I thought were American). Even the nursery rhymes they are taught in French lessons (what, they learn French in school?) aren't the same ones I was taught as a French-speaking kid. And vice-versa, of course.

It's really good to be Canadian when you're travelling (ask any American who's ever been around Europe), but Québécois? I had always seen myself as Québécoise above all else, but I had to change my tune when I moved here. When I tell people I'm Canadian, at least they're situated geographically; but then I have to explain my accent. "French-Canadian? So your mother's French and your father's Canadian?" "Ah, I thought everybody spoke English in Canada. And French as well. It is a bilingual country, right?"

Yes. But no. We speak French, they speak English. Two languages, but kept separate. And we're not going anywhere. What if we tried real bilingualism, for a change? What if we stopped feeling threatened, assaulted, whenever someone approaches us in English in a shop on St. Catherine, west of Peel? What if we answered "hello", and they said "bonjour", with a smile? What if we gave ourselves the tools for real communication, what if we tried to see the similarities rather than focus on the differences?

Regardless of what my parents' generation thinks, they who have fought for Quebec in the 60s and 70s, our beautiful, precious language is strong, unique, and doesn't need to be protected anymore. It needs to be shared, and sharing works both ways...

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